L’édition 2018 du colloque Agrume, membre du groupe VYV, dont le thème était cette année, « La e-santé : quelle valeur ajoutée pour les complémentaires Santé ? » a tenu toutes ses promesses, tant les interventions des différents participants étaient pertinentes et innovantes.

Animateur avisé de la journée, Didier Ambroise a ouvert ce temps d’échanges et de réflexions mutualistes en évoquant de manière très claire et synthétique les enjeux de la stratégie de transformation du système de santé « Ma santé 2002 ». Ce fut également l’occasion d’appeler à une plus grande implication des mutuelles, les grandes absentes de cette dynamique nationale, initiée par le président de la République et devant aboutir à un certain nombre de mesures concrètes. Il a également souligné l’importance de faire évoluer les mentalités pour que « de payeurs aveugles elles deviennent pleinement acteurs de la santé –et de la e-santé- auprès de leurs adhérents/citoyens ». Dans cette optique, il leur appartient de se positionner sur l’utilisation d’outils connectés dans la prévention et d’agir au sein de cet espace numérique de santé, en réaffirmant l’importance des principes éthique et mutualistes. Une éthique « inscrite dans le génome même des complémentaires Santé » et au cœur de l’innovation médicale.

Radiographie des imaginaires de santé

Le deuxième temps fort de cette matinée, particulièrement remarquable et remarquée, réunissait Sylvain Flender, anthropologue, Serge Guérin, sociologue et le docteur Christophe Richard fin connaisseur de l’intelligence artificielle et du big data en santé, pour évoquer  « La Société que nous souhaitons demain au regard du champ des possibles offerts par la e-santé ».

Le premier s’est appuyé sur son étude menée pour Harmonie Mutuelle, auprès de 60 Français et 5 DRH, sous forme d’entretiens individuels axés sur leurs représentations de la santé. Comme premier enseignement, il ressort que cette notion « complexe, car plurielle, globale et parfois cacophonique » se définit dans un rapport d’opposition à la maladie et à la souffrance. « Etre en bonne santé, c’est ne pas avoir mal, ne pas être fatigué, ne pas aller chez le médecin, etc… » L’analyse des propos de ces personnes issues d’origines sociales, générationnelles et ethniques très variées fait ressortir quatre grands types d’imaginaires sociaux, associant la santé aux sensations, aux émotions, aux compétences et à un capital. Il est très intéressant de repérer que ces idéaux-types conditionnent des pratiques, des attitudes et des attentes très différentes d’un individu  à l’autre, vis-à-vis de son corps, de la perception de la vie, de la technologie et de la e-santé. Ces grandes tendances sont donc à prendre en compte dans l’élaboration de nouvelles applications et outils connectés, ainsi que dans l’utilisation des données de chacun.

Porter la parole des personnes fragilisées

En appui de l’intervention de Sylvain Flender, Serge Guérin est revenu sur le lien direct existant entre la santé et l’environnement social, relevant au passage que la « quête de la santé est une quête de l’infini, être malade étant synonyme de défaite politique, sociale et culturelle. » Face à l’idée collective que les gens malades ou handicapés coûtent chers à la société, se pose la question de l’inégalité humaine et d’une santé à plusieurs vitesses, avec en arrière fond une projection sur sa descendance, « comment va s’en sortir ma famille, si je suis arrêté dans mon activité professionnelle ? » et sur le système de protection sociale, « est-ce que je pourrai compter sur ma complémentaire santé en cas de difficulté ? ». La e-santé offrirait alors la promesse pour l’individu de reprendre une parcelle de pouvoir en lui donnant plus d’autonomie, étant entendu que demeurent des interrogations liées à l’éthique, aux déserts médicaux qui correspondent bien souvent aux zones blanches du territoire et au principe d’égalité, « comment faire pour n’écarter personne » ? Sachant que plus de 50 % de la population française se trouve dans la fragilité, ce constat apparaît comme un « levier extraordinaire pour inventer une société plus solidaire, en s’appuyant notamment sur l’innovation en santé. » Et de conclure que « le monde de la mutualité devrait être le fer de lance de cette parole. »

Faire rimer mutualité et humanité

Militant pour l’émergence d’une Médecine Numérique, le docteur Christophe Richard est le premier à regretter que les professionnels de santé ne soient pas assez associés aux réflexions menées en matière de e-santé et à conseiller d’appréhender les objets connectés, qui touchent à l’intime, en termes de bénéfices/risques. Selon lui, l’intérêt pour les mutuelles réside dans leur capacité à d’innover et de personnaliser leurs services grâce à la possibilité de mesurer les leur connaissance des besoins de leurs  adhérents, dans le respect de la confidentialité des données et en toute transparence. Elles vont aussi devoir montrer une forte capacité d’adaptation face à l’arrivée des GAFA, en faisant preuve de créativité, de pertinence mais surtout d’humanité. « En fin de compte, ce qu’il convient de faire évoluer dans le domaine de la santé, ce n’est pas tant la technologie que l’Humanité qui doit s’y loger », en veillant à garder le contact avec tous les interlocuteurs, des patients aux soignants, en passant par les aidants.   

L’originalité des points de vue n’ayant échappé à personne, les trois brillants orateurs ont retenu l’attention d’un auditoire séduit par cette mise en perspective d’un avenir innovant, dans lequel les complémentaires santé auraient une réelle valeur ajoutée à apporter, notamment en termes d’accompagnement humain, dans le processus de transformation de notre système de santé.

 

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