Christophe Lapierre, DSI Santé Mutualité Française

Le lancement du dispositif ROC (Remboursement des organismes complémentaires) ambitionne d’améliorer et simplifier les échanges avec l’hôpital public, avant son prochain élargissement aux établissements privés. Porté par l’association inter-AMC, ROC permet un dialogue en temps réel avec les complémentaires santé, une prise en charge plus fluide des patients et favorise la généralisation du tiers payant sans risque financier, comme l’explique Christophe Lapierre, Directeur des SI de Santé de la Mutualité Française.

Après la création de l’association inter-AMC en juin 2015 par la FNMF, la FFA et le CTIP, les complémentaires ont proposé un dispositif unique et harmonisé, ce qui a constitué une étape majeure du dispositif ROC (Remboursement des organismes complémentaires). Comme le souligne Christophe Lapierre, Directeur des SI de Santé de la Mutualité Française, « ROC est un projet porté par ces trois fédérations professionnelles qui ont réussi à réunir toutes les complémentaires santé (institutions de prévoyance, mutuelles et sociétés d’assurance) et leurs partenaires (opérateurs de tiers payant, délégataires) afin d’élaborer le même cadre d’interopérabilité. C’est-à-dire un ensemble de normes et protocoles techniques communs qui permet à un hôpital de parler à tous les acteurs de la sphère complémentaire avec un seul et même langage.

Éviter des contentieux inutiles avec le trésor public…

Loin d’être un sujet relevant uniquement des services informatiques et des systèmes d’information, ROC simplifie l’application du tiers payant et sa généralisation dans les hôpitaux publics et privés non lucratifs, avant d’être, très prochainement, élargi aux cliniques privées. « Concrètement, quand un patient arrive aujourd’hui au bureau des entrées, il montre une attestation de tiers payant sur laquelle figurent différents logos et informations qui sont une source d’erreur sur laquelle au moment de l’enregistrement des informations ». La conséquence la plus courante est l’envoi de facture à la mauvaise complémentaire santé. S’en suit alors, généralement, le non paiement de l’hôpital. Cette erreur entraine donc des problèmes financiers et le refus de certains centres hospitaliers d’opérer le tiers payant. Elle est également à l’origine de procédures administratives émanant du trésor public, puisque les hôpitaux publics disposent d’un comptable rattaché à la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) à qui sont envoyés les titres de créances correspondant aux factures émises. « Si une mutuelle reçoit une facture d’un assuré qu’elle ne connait pas, elle le signale à l’hôpital qui tente de retrouver la bonne complémentaire santé sans que le comptable public en soit informé. Au bout de quelques mois, ce dernier qui se retrouve face à plusieurs impayés opère des saisies administratives à tiers détenteur, obligeant la mutuelle à prouver sa bonne foi… ». La lecture d’une mauvaise information engendre donc un système un peu ubuesque de dysfonctionnements administratifs et contentieux pourtant faciles à éviter !

... et favoriser la généralisation du tiers payant

« Le tiers payant généralisé, inscrit dans la loi de 2016 de modernisation de notre système de santé, a également été un élément de contexte déterminant pour changer la donne. Au sein de l’association inter-AMC, nous avons créé des services en ligne pour permettre aux professionnels de santé, de ville ou à l’hôpital, d’interroger la complémentaire en temps réel et d’éviter ainsi qu’une part importante de la population renonce à consulter faute de pouvoir avancer les frais ». L’accord cadre signé le 18 mai dernier avec toutes les fédérations hospitalières et les ministères de la Santé et des Finances assure une dématérialisation complète des échanges et surtout une simplification majeure dans la facturation, grâce à la mise en place d’un seul contrat de tiers payant signé par l’hôpital etvalable pour tous les AMC, leurs opérateurs et délégataires.

« Ce contrat qui est signé avec l’association inter-AMC vaut ainsi pour l’ensemble des acteurs de notre écosystème. L’engagement juridique, nécessaire au tiers payant, est donc simplifié pour l’hôpital mais il est bien réel ». Demain, grâce à ROC, le Datamatrix déjà présent sur les cartes de tiers payant des patients renseignera en temps réel les établissements hospitaliers sur la couverture des patients. « Cette garantie de dialoguer avec le bon organisme complémentaire dès l’admission du patient devrait supprimer environ 75% des causes de rejets actuels de facturation ! »

Assurer une meilleure prise en charge des patients

Le dispositif permet par ailleurs à l’hôpital de procéder à une simulation enligne du possible reste à charge des assurés. « Après avoir décrit les actes prévus, l’hôpital interroge « en ligne » la complémentaire qui lui retourne le montant pris en charge pour le patient. Ensuite, la mutuelle envoie un engagement de paiement que l’hôpital intègre dans la facture finale. Il est ainsi certain d’éviter des erreurs de calcul qui sont actuellement la deuxième cause de rejet des factures. Enfin, nous avons normalisé les références de virement pour permettre à l’hôpital d’automatiser son rapprochement bancaire : cela évitera un pointage du paiement des factures par l’établissement et le comptable public, chacun recevant désormais le même niveau d’informations. En dématérialisant l’ensemble du parcours hospitalier, ROC couvre la prise en charge totale des patients, de leur accueil en milieu hospitalier jusqu’à la gestion comptable ».

Depuis deux ans que l’expérimentation est menée dans 5 établissements (Centres Hospitaliers d’Avignon, de Troyes, de Chalon sur Saône, de Périgueux et la clinique mutualiste le Médipôle Hôpital Mutualiste de Villeurbanne) et alors qu’elle vient de démarrer au Havre, les retours du terrain sont extrêmement positifs en termes de clarification et simplification de gestion. « On constate un gain réel pour tous les acteurs, y compris les comptables publics. ROC est effectivement conçu pour que les différents interlocuteurs techniques et financiers apparaissent clairement dans les flux, et que l’hôpital sache tout de suite vers qui s’adresser en cas de difficultés ». Avec une amélioration de la qualité du service et une prise en charge facilitée des patients, une simplification et une sécurisation des procédures hospitalières de facturation et de recouvrement ainsi qu’une meilleure application du tiers payant complémentaire, ROC constitue donc bien une avancée réelle en matière d’accès aux soins !

Bio express

Directeur des systèmes d’information de santé de la Mutualité Française,Christophe Lapierre se définit moins comme un DSI que comme un directeur de la transformation numérique. Son expérience professionnelle dans le secteur privé comme dans le secteur public l’a conduit à participer aux dernières grandes réformes de la santé et de la protection sociale, telles que la création des ARS, la mise en oeuvre de la DSN et la généralisation du tiers-payant. Ses fonctions de maîtrise d’ouvrage stratégique à la Mutualité Française en font un spécialiste de la dématérialisation, de la mutualisation de services en ligne et de la direction de projet multi-partenaires.

Repères

Le CTIP, la FFA et la FNMF signent l’accord «Remboursement des Organismes Complémentaires»

Les fédérations d’organismes complémentaires santé, le CTIP, la FFA et la FNMF, ont signé le 18 mai 2021 un accord cadre pour le pilotage du dispositif « Remboursement des Organismes Complémentaires » (ROC) auprès des établissements de santé, en présence de Katia Julienne, directrice générale de l’offre de soins, de Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale et de Jérôme Fournel, directeur général des finances publiques.

Regard Croisé de Didier AMBROISE, Associé Fondateur

La généralisation du dispositif ROC aura lieu à partir du 1er janvier 2022, avec 66 établissements de santé concernés dans la phase de généralisation.

Au-delà des aspects techniques, la mise en œuvre du projet ROC couvre des enjeux organisationnels et financiers que les Mutuelles/Assurances/Institutions de Prévoyance doivent anticiper.  

Les complémentaires santé vont :  

  • gagner en visibilité en étant informées en amont du parcours du patient et donc des montants à payer ;
  • apporter aux assurés de nouveaux services d’accompagnementt qui restent à imaginer.

Mais avant cela, l’impact de ROC sur l’organisation interne doit être étudié, notamment les processus existants de contrôle de la facturation hospitalière et de lutte contre la facturation indue ainsi que la cohérence et la lisibilité des données de reporting technique,
sans oublier toutes les problématiques de gestion des réclamations avec les établissements de santé (problématiques de lecture des Datamatrix des attestations Tiers-Payant, service ROC ouvert ou non dans l’annuaire de l’association inter-AMC…) 

Doshas Consulting intervient sur le programme ROC en lien avec les fédérations (FNMF, CTIP, FFA), le ministère de la Santé (DGOS, ANS) et l’opérateur national de déploiement (OND) du dispositif ROC au travers de la double expertise de ses experts : 

  • une connaissance fine du milieu hospitalier (tant sur l’organisation de la chaine de facturation : du bureau des entrées au codage des actes par les départements d’information médicale, que le recouvrement par le trésor public pour les établissements concernés).
  • une expertise de l’industrie de l’assurance santé (des règles de gestions métiers en passant par la liquidation des prestations santé).

Bio express

Ingénieur en technologies de l’information pour la Santé, Didier Ambroise, associé fondateur du cabinet Doshas Consulting, intervient sur les projets digitaux et innovants pour les acteurs de la santé et de l'assurance.

Conception : Doshas Consulting
Responsable de la publication : Didier Ambroise
Rédaction : Cécile Jouanel
Création graphique et réalisation : Agence Biskot.Bergamote
Crédit : Shutterstock et Christophe Lapierre

Relayez cet article sur vos réseaux sociaux.

arrow-up2