3 questions à
Isabelle ZABLIT
Directrice « Europe et International » à la Délégation ministérielle au Numérique en Santé (DNS) du ministère de la Santé et de la Prévention
La concrétisation d’une vision éthique, humaniste et citoyenne du numérique en santé
Du 1er janvier au 30 juin 2022, la France a présidé le Conseil de l’Union européenne. Durant ces six mois, l’ambition de faire avancer le numérique en santé s’est concrétisée. Notamment, par l’adoption à l’unanimité des 16 principes européens pour l’éthique du numértique en santé, un texte attendu par tous les Etats membres.
Bilan d’une présidence efficace avec Isabelle Zablit, en charge de l’Europe et de l’International à la Délégation ministérielle au Numérique en Santé (DNS) du ministère de la Santé et de la Prévention.
Comment la France est-elle parvenue à impulser sa perception du numérique en santé pendant la présidence du Conseil de l’Union européenne ?
« La France a souhaité traduire en actions constructives et visibles sa volonté de contribuer au futur espace européen de données de santé (EHDS, European Health Data Space). La Commission européenne et les autres Etats membres ont suivi ces propositions pragmatiques et nous ont permis d’atteindre les résultats escomptés, voire même de les dépasser pendant ces 6 mois. Un calendrier événementiel ambitieux (25 événements dédiés au numérique en santé en 6 mois) a été déroulé, une ampleur inédite pour le numérique en santé, sans équivalent sous aucune présidence ! Nos collègues européens y ont activement contribué, partageant le constat du manque de visibilité sur les enjeux du numérique en santé en Europe. »
L’éthique tient une place importante dans la perception française des données de santé. Qu’en est-il au niveau européen ?
« Nous avons tout d’abord mené une étude européenne sur le numérique en santé en Europe¹, disponible sur le site de l’ANS, pour avoir la « photo à date » de la maturité atteinte. En effet, les feuilles de route nationales des Etats membres ont été accélérées suite à la pandémie. Un des objectifs a été de comprendre la place de l’éthique dans ces feuilles de route nationales comme dans la base réglementaire européenne existante. Un constat est clair : le volet sur l’éco-responsabilité est encore à développer.
Plus largement, les Etats membres et la Commission, dès le début de la présidence française, ont partagé le constat de la nécessité d’avoir trois piliers pour déployer le numérique en santé et l’espace européen de données de santé : l’interopérabilité, la sécurité et l’éthique. Si les deux premiers sont pris en compte dans les travaux européens de longue date (à l’instar du règlement cyber qui s’applique aussi à la santé), le cadre éthique européen pour le numérique en santé n’avait jamais été formalisé. Il s’était révélé cependant essentiel lors de la création récente du « passe sanitaire européen (EU DCC) », dont le succès tient en partie à son cadre éthique, traduit par une achitecture technique qui y répond.
Formaliser ce cadre éthique et le communiquer au citoyen étaient donc important pour préparer un espace européen de données de santé qui allait nécéssairement susciter des questions d’ordre éthique. Cette démarche a aussi été un engagement des Etats membres et de la Commission européenne, qui a repris ce cadre dans sa proposition de règlement. »
Les résultats complets de l’étude sont à retrouver : https://esante.gouv.fr/media/8149
Cette démarche préparait l’espace européen de données de santé. Où en est-on exactement ?
« L’espace européen de données de santé est le premier espace européen de données mis en œuvre pour répondre à la vision d’une Europe des data. Pour la santé, c’est crucial. La pandémie nous l’a rappelé, tant pour la prise en charge du patient, pour la recherche, l’innovation que pour la politique publique. Cet espace européen de données de santé existe déjà en partie. Il vise à donner de nouveaux services aux citoyens et aux professionnels de santé.
Lors de la prise en charge d’un patient étranger d’un autre pays de l’UE, et avec son consentement, un professionnel de santé pourra ainsi avoir accès, dans sa langue, aux données de santé du patient. Ce programme, MaSanté@UE ou MyHealth@EU, est aujourd’hui volontaire. Onze pays, dont la France depuis juillet 2021, en sont déjà parties prenantes. Ils ont déployé des premiers cas d’usage opérationnels. Demain, le règlement sur l’espace européen de données de santé le rendra obligatoire pour mailler les systèmes de santé et réutiliser les données. L’instruction de ce projet de règlement a démarré en fin de présidence française ; il devrait être le texte fondateur pour encadrer le numérique en santé en Europe. Cette vision a été fortement portée par la France, introduite par le commissaire Thierry Breton. Elle doit rendre l’Europe capable d’aller de l’avant en IA et nouvelles technologies en santé. Il s’agit aussi de gagner en souveraineté sur tous les terrains, comme l’a rappelé le Président de la République, y compris celui du numérique en santé.
La présidence française du Conseil de l’Union européenne a donc mis en oeuvre des actions cohérentes avec cette approche de l’espace européen des données de santé et du marché unique pour le numérique en santé, principaux enjeux servis par la stratégie déployée par la France. »
Quelles sont les autres actions menées ?
« Des actions concrètes. La France a annoncé adopter la terminologie Snomed CT pour faire avancer l’interopérabilité sémantique en Europe. Une initiative a été prise pour harmoniser les critères d’évaluations cliniques des dispositifs médicaux numériques. Enfin, G_nius s’est internationalisé en intégrant les étapes et conditions d’accès au marché de 10 premiers pays européens. Et les autres pays vont suivre ! »
A titre personnel, quel(s) événement(s) majeur(s) retenez-vous de cette PFUE ?
« Les 25 événements ont tous été très riches. Parmi eux, deux événements institutionnels ont été marquants : la conférence ministérielle « Ethique, citoyenneté et données de santé » a permis de déclencher la mise en oeuvre des principes éthiques européens pour le numérique en santé après leur adoption en un temps record (1 mois) ! L’engagement pris par les ministres de la Santé des Etats membres a été un grand moment. Ensuite, en juin, la réunion du réseau eHealth Network à PariSanté Campus a rassemblé nos homologues européens, après tant d’heures en visio-conférence pendant la crise. Un moment fort pour ce réseau soudé par les enjeux portés par le numérique en santé dans la construction de l’Europe de la santé. »
Bio express
Après avoir été administratrice de Numeum, présidente de son programme « 5 000 startups » et co-présidente de son comité santé,
Isabelle Zablit est en charge de l’Europe et de l’International à la Délégation ministérielle au Numérique en Santé (DNS) du ministère de la Santé et de la Prévention.
Administratrice de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST), elle est également professeur vacataire en charge du cours de « Gestion des risques internationaux des organisations » à l’Université Paris I - Panthéon Sorbonne.
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Responsable de la publication : Didier Ambroise
Rédaction : Cécile Jouanel
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