Gilles Hebbrecht

Chargé de programme SIMPHONIE et facturation hospitalière – Ministère des Solidarités et de la Santé

Simplification, numérisation et fiabilisation sont les trois mots clés qui définissent selon Gilles Hebbrecht de la Direction générale de l'offre de soins (DGOS), le projet hospitalier de Remboursement des organismes complémentaires (ROC). A l’heure de sa généralisation, il revient sur l’ampleur de ce dispositif, dont les objectifs semblent pleinement remplis !

 En quoi le dispositif Remboursement des organismes complémentaires (ROC) est-il si innovant ?

« L’idée de départ de ROC est d’offrir aux établissements hospitaliers et aux Assurances  Maladies Complémentaires (AMC) un contexte technologique unique, qui prenne en compte leurs différents types d’activités et leurs propres spécificités. Elle vient du constat que les échanges entre établissements et AMC pour le remboursement du reste à charge patient étaient structurellement défaillants  et qu’il était par conséquent vain de tenter de les informatiser en l’état. Il faut donc voir ROC comme un changement de paradigme pour l’écosystème, un nouveau concept innovant, n’ayant jamais existé, conçu pour régler définitivement tous les dysfonctionnements des services en ligne et de facturation. 

Pour l’activer, il a fallu du temps et beaucoup de volonté de la part des acteurs impliqués. Un travail de préparation considérable a été mené par l’ASIP, puis l’ANS, avec les représentants des établissements et les éditeurs, par l’équipe de Florian Catteau, qui se poursuit dans le cadre des extensions en cours aux activités de SSR et de psychiatrie ainsi qu’aux cliniques privées. Les spécifications fonctionnelles issues de ces travaux se sont traduites par des demandes d’évolution des logiciels de gestion administrative de patients d’une telle ampleur  qu’il a fallu 5 ans pour élaborer collectivement des spécifications fonctionnelles, qui soient opposables aux éditeurs hospitaliers et à l’ensemble des AMC.

Deux années d’expérimentation ont ensuite permis de vérifier que tout ce qui avait été imaginé ex-nihilo fonctionnait. Pour régler les derniers détails, quelques mois ont encore été nécessaires pour permettre aux premiers établissements non expérimentateurs de passer en production. »

 

Pour décrire ROC en trois mots vous parlez de simplification, numérisation et fiabilisation. En quoi ce dispositif simplifie-t-il vraiment le quotidien des établissements hospitaliers et des patients ?

« La simplification est une question cruciale tant pour les patients que pour les personnels hospitaliers, du fait de la très grande difficulté pour les acteurs de s’y retrouver dans les différentes règles de facturation hospitalière et de prise en charge par les complémentaires des restes à charge des patients. Cette situation demande aux personnels hospitaliers un travail  de fourmis  totalement déraisonnable. Face à ce constat, le premier objectif était de mettre la numérisation au service de l’automatisation et de la suppression des tâches redondantes, autrement dit que les systèmes d’information du XXIe siècle soient conçus au bénéfice et au service des utilisateurs et non l’inverse. Le deuxième point crucial qui intervient an amont du recouvrement, c’est l’incapacité pour les services d’accueil et de facturation de comprendre les logiques de fonctionnement des contrats des AMC. Si les personnels finissent par appréhender les principaux contrats des principales complémentaires avec lesquelles ils travaillent, cet apprentissage se fait sur le modèle « envoi-erreur-correction ».

Avec ROC, les établissements transmettent aux complémentaires le reste à charge du patient. Elles y répondent en fonction de leurs propres règles de gestion des contrats, en leur envoyant in fine un code de garanti de paiement sur les montants de prise en charge. La mise en place de ROC  s’accompagne d’un troisième niveau de simplification, celui des échanges en ligne et en temps réel. Aujourd’hui, le délai médian de réponse en ligne est de 1,5 secondes. Cette immédiateté permet au patient de connaître la prise en charge potentielle de sa complémentaire au moment de sa pré-admission ou le jour de son hospitalisation et d’éviter, à sa sortie, de repasser par le bureau des entrées pour régler son séjour. La transparence et la vitesse de transmissions des informations vont également favoriser la mise en place de services interactifs pour les assurés.

Grâce à ROC, un cercle vertueux est en train de s’instaurer dans la communication envers les patients, étant entendu que par l’intermédiaire d’un identifiant commun le système fournit la même information, au même moment, à tous les acteurs engagés. Ce qui explique l’implication extrêmement forte de la DGFIP (Direction Générale des Finances Publiques) dans ce programme qui permet de supprimer 99 % du contentieux actuel. Les saisies à tiers détenteurs, évaluées aujourd’hui à environ 15 millions d’euros, sont en effet une des plaies des relations entre les établissements de santé et les AMC. »

Comment les établissements hospitaliers sont-ils accompagnés pour intégrer ROC et quelles sont les premières retombées chiffrées ?

« Le passage en production ne se fait pas du jour au lendemain et depuis le mois de février 2021, un opérateur national de déploiement (OND) est mandaté par la DGOS pour coordonner les travaux entre les éditeurs, les établissements hospitaliers et les AMC. La mise en place des premiers flux  nécessite, en général, trois mois de préparation pour régler des questions relatives aux SI et aux nécessaires évolutions organisationnelles. S’en suivent trois mois de fonctionnement dits sous surveillance qui vont permettre à l’OND de vérifier que tout se passe bien et de proposer à l’établissement d’intégrer ROC.

De manière réciproque, quand une complémentaire s’inscrit dans le dispositif, elle bénéficie du même type de fonctionnement et de supervision. Pour pouvoir mutualiser ces différentes phases et favoriser le partage d’expérience, les établissements sont regroupés en cohortes, regroupant entre 25 et 40 participants, homogènes en termes d’éditeurs de logiciels. Des séminaires de sensibilisation aux bonnes pratiques sont également organisés. Le temps consacré à cet accompagnement explique donc qu’à date, seulement 40 établissements soient passés en production. Selon les prévisions d’engagement dans les cohortes, ils seront 46 au 31 décembre 2021, 78 à la fin du premier trimestre 2022, 144 à la fin du deuxième et 423 à la fin du troisième. Autre chiffre clé, sur les 100 000 dossiers traités à ce jour, aucun contentieux ayant abouti à une saisie à tiers détenteur n’a été signalé. Seuls quelques dossiers ont fait l’objet d’échanges directs entre l’établissement et l’AMC.

Enfin, un des objectifs du programme qui était que les indicateurs de règlement des complémentaires s’alignent sur ceux de l’assurance maladie obligatoire (AMO) est aujourd’hui respecté,  puisque le délai actuel de règlement des premiers est de 6.7 jours contre 6.4 pour la seconde. »

 

Bio express

Médecin de formation, Gilles Hebbrecht  a été responsable du département d’information médicale de la Société française de médecine générale. Depuis 2012, il a rejoint le ministère des Solidarités et de la Santé où il met ses compétences au service de deux grands axes : la facturation et le parcours administratif du patient. Chargé de projet puis chef de programme Simphonie, il travaille sur ROC depuis son origine. Il œuvre aujourd’hui activement au sein du bureau PF5, consacré aux usages et à la promotion du numérique en santé, de la Direction générale de l'Offre de soins (DGOS).

Conception : Doshas Consulting
Responsable de la publication : Didier Ambroise
Rédaction : Cécile Jouanel
Création graphique et réalisation : Agence Biskot.Bergamote
Crédit : Shutterstock

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